Extrait :
Je suis passé en l’espace de deux secondes de l’état de mari à père et … veuf. Victor est né en prenant ton dernier souffle. Tu n’auras même pas eu le temps de le prendre dans tes bras, de sentir son odeur, de lui caresser les cheveux. Tu n’aurais pas pu de toute façon. Tu es partie trop tôt, trop vite, sans me prévenir, sans un petit signe de la main, sans un mot, discrètement comme à ton habitude. Je hais les habitudes. Je garderai l’esquisse d’un sourire au fond de ma mémoire, celui qui m’a fait craquer la première fois que je t’ai vue. La joie d’avoir un enfant est vite étouffé par la tristesse de perdre sa femme. Sur le bulletin paroissial, les deux annonces se suivront et renforceront mon désarroi.
Comment ne peut-on pas se sentir plus perdu, plus démuni devant la vie. Je n’étais pas prêt à être père seul. Sans toi. Je n’étais pas prêt à entendre ton cœur s’arrêter de battre, pas prêt à ne plus te serrer dans mes bras, t’embrasser longuement, rire de nos jeux. Je n’étais pas prêt à ne plus voir la couleur amande de tes yeux, à les voir fermés, non pas pour te coucher, mais pour un autre sommeil. Je ne partage pas ta nuit. Je rentre dans la mienne si différente de nos nuits…
A suivre …